Au-delà de la magnifique histoire d’amour qu’elle nous offre, Edeet Ravel dresse un tableau juste et nuancé de la société israélienne dans ses rapports complexes avec l’Autre palestinien. L’auteur tresse la maille de son récit en entrecroisant trois fils, et deux temps : d’une part, celui de Lily adulte qui écrit dans sa maison londonienne et mêle à son récit une recherche étymologique passionnante sur la manière dont l’hébreu moderne s’accommode de la langue hébraïque de la Bible, et sur les implications fondamentales que cette transposition a sur le psyché israélien ; et d’autre part, celui de Lily, jeune étudiante de 20 ans à l’université de Jérusalem : née dans un kibboutz, elle a grandi au Canada et revient faire ses études supérieures en Israël.
Un matin, alors qu’elle cherche à rejoindre Tel-Aviv, elle est prise en auto-stop par Ami. Commence alors une relation passionnée dont le cœur bat au rythme des troubles et questions suscités par la profession d’Ami : il travaille pour l’armée israélienne en tant qu’interrogateur. D’abord révulsée par cette découverte qui correspond bien peu à ce qu’elle connaît d’Ami, Lily comprend peu à peu que, grâce à sa finesse psychologique et à son humanité, Ami a développé des méthodes particulières, non-violentes, qui, tout en faisant de lui le meilleur interrogateur de l’armée, rendent aux prisonniers un semblant de dignité. Jusqu’à ce que le gouffre qui s’élargit entre ses convictions et son action, le mène à la démission...
La tension continuelle qui les déchire tous deux, entre leur loyauté patriotique et leurs sympathies palestiniennes, constitue la colonne vertébrale de ce roman dont les nuances offrent un point de vue juste et loin de tout simplisme sur les questions d’ordre ontologique qui minent la société israélienne.